Parfois je n'ai plus de force. La trouille s'abbat sur moi, elle m'entrave et m'empêche de respirer. Comme une grande cape que je serais forcée de porter. Cette grande cape porte plusieurs noms, l'un d'eux est mélancolie. Elle a un poids, qui pousse à l'immobilisme. Parfois j'ai peur de ne pas avoir assez de ressources en moi pour être heureuse. Dans ces moments-là je ne me sens pas la force de crier comme Chalmazelle dans le conte de Solange Langenfeld, "je crois en moi", "je crois en la vie" et "j'ouvre les yeux sur le monde". Dans ces moments-là j'n'en suis pas capable, vraiment, et grimper le ravin jusqu'en haut sans tomber, traverser le labyrinthe du desespoir et la forêt des terreurs me semble tout simplement de l'ordre de l'impossible. Je n'sors plus beaucoup et il me semble que ma vie manque de vie, justement. Ma formation monopolise toute mon énergie, juste parce que je suis morte de trouille à l'idée de ne pas y arriver, de ne pas en être capable. C'est fatiguant d'avoir peur. Parfois je me dis que ça manque de familiarité dans ma vie. Malgré mes colocs très sympas et ma coloc qui s'en va qui me fait du gentil chantage à deux balles pour qu'on reste en contact. Malgré les copines trop mignones à l'école qui m'apportent régulièrement des spécialités de chez elles ou d'ici pour le repas de midi, et à qui je peux confier beaucoup de choses. Il n'y a personne avec qui je me sente tout-à-fait "chez moi" ici. Personne qui m'aie bouleversée en touchant mon âme, malgré la gentillesse, les échanges, les confidences, le partage, le soutien, la complicité, qui sont pourtant bien là. C'est un ressenti, ça vient de l'intérieur, mais est-ce que ça veut dire qu'il faut obligatoirement que je me sente "engloutie" par l'autre pour me sentir bien? Est-ce que c'est le fait que je sache à présent ne plus empiéter sur l'Autre et ne plus laisser l'Autre empiéter sur moi qui crée cette distance? Est-ce qu'on ne peut pas se sentir tout-à-fait "chez-soi" avec l'Autre tout en se sentant entier? Je sais qu'il ne faut plus que je recherche la fusion et pourtant... Amicalement je sais bien que je suis capable de construire des relations où je me sens chez moi et qui ne sont plus basées sur la fusion mais... Est-ce qu'un jour, je saurai être attirée par des filles avec qui je pourrai construire quelque chose? Est-ce qu'un jour mes trippes remueront pour ces filles-là? Est-ce qu'un jour l'une de ces filles-là voudra de moi? Non, parce que je ne sais pas, parfois j'ai comme l'impression de me porter à bout de bras et de ne plus pouvoir tenir longtemps comme ça...